Les chauves-souris transmettent-elles des maladies ?
La pandémie à laquelle nous avons fait face en 2020 a soulevé de nombreuses questions sur la transmission de virus par les chauves-souris.
Dans cet onglet vous trouverez des réponses aux questions que vous vous posez concernant les chauves-souris et le COVID-19 ainsi qu'aux éventuels questions de cohabitation.
Introduction
Outre leur rôle important dans beaucoup d’écosystèmes dans le monde, les chauves-souris ont aussi été identifiées comme hôte de certains virus qui peuvent affecter la santé humaine. On les appelle des « zoonoses » : des maladies humaines dont l’origine provient d’animaux.
La transmission d’un virus d’un animal sauvage à l’homme résulte souvent d’une altération de l’environnement par l’homme. Par exemple, la destruction de biotopes de chauves-souris (par déforestation et urbanisation) et l’intensification de l’élevage de bétail poussent les chauves-souris à vivre bien plus près de l’homme, de son bétail et de ses animaux domestiques qu’en conditions plus naturelles. Ce contact plus proche peut conduire à un « débordement » d’un virus depuis son réservoir naturel (un animal sauvage) vers la population humaine, soit directement, soit par un hôte intermédiaire (un animal domestique).
Quelle est l'origine du virus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19 ?
Après deux ans d'enquête approfondie, the House Select Subcommittee on the Coronavirus Pandemic, la Commission du Congrès des U.S.A. sur la pandémie de Covid vient de publier son rapport (décembre 2024). On trouve notamment dans ce volumineux ouvrage des réflexions et conclusions sur les origines du virus SARS-CoV-2.
Le rapport présente plusieurs éléments à l'appui de l'hypothèse des fuites de laboratoire, bien que la communauté scientifique ne soit toujours pas parvenue à un consensus définitif sur ce point.
Il est maintenant formellement établi que l'Institut de Virologie de WuHan (WIV) en Chine était bel et bien impliqué dans la recherche sur les coronavirus avant l'épidémie, recherche comportant des manipulations génétiques interdites aux U.S.A. et en Europe, et que ses chercheurs avaient déjà préalablement “créé” des coronavirus similaires au virus SARS-CoV-2. L’objectif était, selon les responsables, de mieux comprendre la biologie des Coronavirus, en particulier de ceux qui peuvent infecter l'homme. Le but officiel était de collecter des échantillons de coronavirus de chauve-souris dans la nature, d’étudier la capacité de certains d’entre eux à infecter l'homme, de créer des virus chimériques en modifiant des coronavirus existants pour s’en servir comme vecteurs viraux pour développer des vaccins contre des virus pathogènes comme le VIH et d’examiner le comportement de ces virus modifiés en laboratoire. Sur le plan épidémiologique, il s’agissait d’obtenir des informations sur le potentiel pandémique actuel et futur des coronavirus, et également de prendre une longueur d'avance sur la mise au point d'un vaccin ou d'une thérapie si un tel événement devait avoir lieu.
La reconnaissance de cette activité clandestine par ses responsables constitue en soi une avancée importante par rapport à près de 5 ans de dénégations. Cela n’implique évidemment pas formellement que ces manipulations soient à l’origine de la pandémie, même si l’étau se resserre.
Le rapport de la sous-commission relève qu'il existait au WIV des lacunes dans les protocoles de sécurité, donc un risque potentiel de propagation externe. Certains d’entre eux auraient présenté des symptômes correspondant à la fois au Covid-19 et à des maladies saisonnières courantes à l'automne 2019, avant que soit identifié le premier cas officiel de l'épidémie. Enfin, c’est bien à WuHan, où se trouve le WIV, que les premiers cas de Covid-19 ont été détectés.
Le rapport souligne l'absence de preuves plaidant pour une origine naturelle. Aucun animal infecté n'a été confirmé sur le marché de WuHan ou dans sa chaîne d'approvisionnement, ce qui aurait été le cas si le virus provenait du commerce d'animaux sauvages comme le gouvernement chinois l’a prétendu. L'infection semble avoir émané d’une source unique, ce qui plaide plutôt pour une origine de laboratoire que pour des événements zoonotiques multiples. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit ici d’indices et non de preuves définitives de l’origine du virus.
Il est établi que les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis ont finançé indirectement des recherches sur le “gain de fonction” au WIV bien avant le début de l'épidémie. Le but officiel était de collecter des échantillons de coronavirus de chauve-souris dans la nature, d’étudier la capacité de certains d’entre eux à infecter l'homme, de créer des virus chimériques en modifiant des coronavirus existants pour s’en servir comme vecteurs viraux pour développer des vaccins contre des virus pathogènes comme le VIH et d’examiner le comportement de ces virus modifiés en laboratoire. Sur le plan épidémiologique, il s’agissait d’obtenir des informations sur le potentiel pandémique actuel et futur des coronavirus, et également de prendre une longueur d'avance sur la mise au point d'un vaccin ou d'une thérapie si un tel événement devait avoir lieu.
Est-ce vrai que les chauves-souris asiatiques sont porteuses du virus à l’origine de COVID-19 ?
On a retrouvé, chez certaines espèces de chauve-souris du Yunnan [sud-ouest de la Chine] un virus qui ressemble au SARS-CoV-2 (nom du virus qui provoque le COVID-19).
Les chauves-souris en Belgique sont-elles porteuses du virus de COVID-19 ?
Les scientifiques n’ont, à ce jour, pas trouvé le virus de COVID-19 chez les chauves-souris de nos régions.
Il faut cependant savoir que le SARS-CoV-2 n'est qu'une sorte de coronavirus parmi de nombreuses autres.
Certains coronavirus nous infectent et provoquent tout simplement des rhumes (on estime que 30% des rhumes hivernaux sont provoqués par ces différentes espèces de coronavirus).
La majorité des animaux à sang chaud qui nous entourent sont porteurs d’autres types de coronavirus inoffensifs pour l’homme. C’est le cas des animaux sauvages comme les oiseaux, la chauve-souris mais aussi des animaux domestiques comme le chat, le cochon, les poules, etc. (4). Seuls certains coronavirus sont zoonotiques, ce qui signifie qu'ils peuvent se transmettre de l'animal à l'être humain.
J'ai une colonie de chauves-souris dans ma maison, est-ce qu’elles risquent de me transmettre le COVID-19 ?
Non, d’abord, la probabilité de la présence du SARS-Cov-2 parmi nos populations de chauves-souris est quasi nulle. L’espèce incriminée dans la transmission du SARS-CoV-2 (Rhinolophus affinis) n’est pas présente en Belgique.
Ensuite, la probabilité que vous entriez en contact direct avec une chauve-souris est infime. Celles-ci sont farouches et évitent les contacts avec les humains
Enfin, le passage direct du virus des chauves-souris vers l’homme, est très difficile et passe généralement par un hôte intermédiaire (5). Cela s’est vraisemblablement produit en Chine, car il existe des marchés sur lesquels des animaux vivants sont entreposés dans des conditions insalubres avec d'autres espèces sauvages qui peuvent servir d'hôtes intermédiaires et qu’une partie de la population mange ces animaux sauvages potentiellement contaminés. Ce scénario ne pourrait pas se reproduire chez nous. La transmission du virus, aujourd’hui, se fait d’homme à homme et non pas via les animaux.
Les chauves-souris de nos régions sont-elles porteuses d’autres virus dangereux pour l’homme ?
La seule zoonose (maladie transmissible de l’animal à l’homme) associée aux chauves-souris en Belgique est le « European Bat Lyssavirus », un virus proche de la rage classique (qui affecte principalement les chiens et les renards).
Une surveillance de ce virus est effectuée par l’Institut scientifique de santé publique. Un diagnostic de lyssavirus a été confirmé chez deux chauve-souris en Belgique (des Sérotine commune, Eptesicus serotinus). La Sérotine commune est l’espèce chez qui la présence du lyssavirus est connue pour être la plus élevée en Europe. Il est probable que ces virus circulent chez certaines autres espèces de chauve-souris indigènes en Belgique car des cas sont détectés dans nos pays voisins.
Il n’y a aucun risque si vous ne manipulez pas les chauves-souris à mains nues, il faut en effet être mordu à sang pour qu’un risque de transmission existe. Notons par ailleurs que jusqu’à présent, aucune Pipistrelle commune (l’espèce de loin la plus courante en Belgique) n’a été déclarée porteuse du virus de la rage en Europe.
Il n'y a pas d'autres maladies zoonotiques connues en Belgique
Les chauves-souris peuvent-elles transmettre des virus aux animaux de compagnie ?
Les chauves-souris sont farouches et évitent les contacts avec les animaux de compagnie (dont les chats qui font partie de ses principaux prédateurs). Les seuls moments au cours desquels les chauves-souris sont susceptibles d’entrer en contact avec un animal de compagnie sont le crépuscule et l’aube, lorsqu’elles quittent ou rentrent dans leur gîte et peuvent éventuellement voler près du sol (et donc être plus facilement attrapées). Il est toujours recommandable de réduire les contacts avec les chauves-souris, comme avec tout animal sauvage.
Il n’y a aucun cas recensé en Belgique de contamination d’un animal de compagnie par une chauve-souris. Toutefois, deux cas de transmission de la rage au chat ont été observés en France.
Il n’y a pas d’autres maladies transmissibles aux animaux de compagnie connues liées aux chauves-souris en Belgique.
Les chauves-souris sont-elles des nids à microbes ?
Il existe plus de 1000 espèces de chauve-souris dans le monde.
Il est vrai que certaines de ces espèces ont été impliquées dans le développement de plusieurs épidémies humaines comme Ebola, Nipah, SARS-CoV ou encore le SARS-CoV-2.
La toute grosse majorité des espèces de chauve-souris ne transmet cependant aucune maladie à l’homme. Chaque fois qu’une épidémie est passé des chauves-souris vers l'homme, ce fut suite à un désordre écologique provoqué par l'homme.
Comment les chauves-souris résistent-elles aux virus qu’elles hébergent ?
Vraisemblablement parce qu'elles ont intimement co-évolué avec eux depuis des millions d’années.
La destruction des chauves-souris permettrait-elle d'éviter de nouvelles pandémies ?
De nombreuses espèces animales, y compris nos animaux domestiques, transportent des coronavirus. Détruire les chauves-souris n’éliminerait certainement pas les coronavirus.
Qui plus est, de nombreuses pandémies ont été provoquées par d'autres types de virus qui ne sont pas présents chez les chauves-souris. Tout particulièrement le virus de la grippe qui est aussi capable d'échanger de l'ADN avec des virus d'autres animaux (porc, oiseau, ...). Certaines de ces recombinaisons peuvent parfois créer une nouvelle forme de virus de la grippe particulièrement mortelle. Ce fut, par exemple, le cas en 1918, avec l’épisode de grippe espagnole qui causa entre 50 et 100 million de morts, soit 2,5 % de la population mondiale de cette époque.
Que se passerait-il si on éliminait les chauves-souris ?
Cela aurait des conséquences catastrophiques d’un point de vue écologique. En effet, les chauves-souris à travers le monde jouent un rôle écologique majeur, dans la pollinisation de certaines espèces végétales, la dispersion de nombreuses graines des fruits dont elles se nourrissent et surtout pour la régularisation des populations d'insectes y compris les moustiques porteurs de maladies comme le Zika, la dengue et le paludisme.
D’un point de vue purement économique, une étude a démontré : qu’uniquement pour les États-Unis le manque à gagner serait de 22,9 milliard (6). En effet, les chauves-souris mangent énormément d'insectes ravageur et protègent ainsi la production agricole. Leur disparition impliquerait donc d’avoir recours à des quantités conséquentes de pesticides. Qui plus est leur disparition causerait la perte de différentes entreprises dont la production dépend de la pollinisation des certaines fleurs comme l’Agave à Tequila.
Que faire pour éviter une nouvelle pandémie aux coronavirus ?
Les virus contenus par le métabolisme de la faune sauvage n’ont aucune raison de nuire aux humains si ces derniers en restent éloignés. Les hommes augmentent le risque de transmission entre les espèces lorsqu'ils empiètent sur les habitats de la faune sauvage ou les capturent pour la médecine ou la nourriture (7). En particulier, lorsqu’ils entreposent ces animaux vivants dans des conditions insalubres avec d'autres espèces sauvages qui peuvent servir d'hôtes intermédiaires (C'est ce qui s'est produit sur le marché humide de Wuhan, où de nombreux experts pensent que le COVID-19 a émergé).
Enrayer les épidémies impliquera nécessairement la réduction du commerce illégal d'espèces sauvages, la fermeture des marchés d'espèces sauvages non réglementés ainsi que la préservation des écosystèmes et la restauration de ceux qui ont été dégradés.
Auteurs :
Docteur Frédéric Forget : Coordinateur bénévole du groupe de travail Plecotus en Région wallonne et Médecin chef de service à l'hôpital de Libramont.
Cécile Van Vyve: Responsable de l'étude des chauves-souris en Wallonie et à Bruxelles chez Natagora
Bibliographie pour aller plus loin
1) Zhou, P., Yang, X. L., Wang, X. G., Hu, B., Zhang, L., Zhang, W., ... & Chen, H. D. (2020). A pneumonia outbreak associated with a new coronavirus of probable bat origin. Nature, 579(7798), 270-273.
2) Wu et al (2020) A new coronavirus associated with human respiratory disease in China. Nature 579, 265-269
3) Andersen et al (2020) The proximal origin of SARS-CoV-2. Nature Medicine 26, 450–452
4) Woo, P. C., Lau, S. K., et al.(2006). Molecular diversity of coronaviruses in bats. Virology, 351(1), 180-187.
5) Plowright et al (2017) Pathways to zoonotic spillover. Nature Reviews Microbiology 15, 502–510
6) Boyles, J. G., Cryan, P. M., McCracken, G. F., & Kunz, T. H. (2011). Economic importance of bats in agriculture. Science, 332(6025), 41-42.
7) Lindahl & Grace (2015) The consequences of human actions on risks for infectious diseases: a review. Infection Ecology & Epidemiology 5, 1
8) Chauves-souris - Rencontres aux frontières entre les espèces: livre de Frédéric Keck (Auteur) Arnaud Morvan (Auteur) Paru le 25 mars 2021
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