Les détecteurs d’ultrasons
Des jumelles pour l'ornithologue, un détecteur d'ultrasons pour le chiroptérologue
Le détecteur d'ultrasons est un petit boîtier électronique permettant de rendre audibles les ultrasons émis par les chauves-souris. De ce fait, une oreille expérimentée est capable de distinguer certaines espèces ou certains groupes d’espèces, en fonction de la nature du son, de sa fréquence, du rythme des cris, et d’autres caractéristiques.
S’il s’agit d’un outil formidable pour l'étude et l’identification des chauves-souris, il ne faut pas oublier que ce n'est qu'une technique présentant des limites et qui n’est rentable qu’en association à d'autres moyens d'observation. Il est relativement facile d'acheter un détecteur d'ultrasons, mais il est par contre beaucoup plus difficile de s'en servir correctement. Tout comme en ornithologie, l'expérience est capitale ; ce n'est qu'après avoir observé des dizaines de fois des mésanges nonnettes et boréales que l'on arrive à les différencier. Reconnaître le piouc-piouc-piouc d'une pipistrelle du tac-tac-tac d'un vespertilion de Daubenton n'est vraiment pas chose aisée pour le débutant. Heureusement, il existe sur le marché des guides spécialisés, outils d'apprentissage quasi indispensables si l’on veut apprendre à distinguer les espèces à l’oreille. Un bon guide acoustique doit non seulement illustrer les cris des différentes espèces mais également reprendre des enregistrements d'une même espèce chassant dans des biotopes différents. En effet, une même chauves-souris peut émettre des ultrasons totalement différents suivant le milieu, l’heure, son comportement (chasse ou déplacement) etc…
Plusieurs types de détecteurs
Il existe différents types de détecteurs. Les détecteurs travaillant en mode hétérodyne captent l'ultrason et le comparent avec une fréquence interne à l'appareil : le son restitué par le haut parleur a une fréquence égale à la différence entre les deux sons initiaux.
Le second mode d'analyse des ultrasons est l'expansion de temps. Le détecteur enregistre dans une mémoire interne le signal de la chauve-souris et le restitue dans un second temps 10 fois plus lentement, ce qui le rend audible. Ces signaux peuvent être analysés à l'aide d'un programme informatique, sous forme de sonogrammes.
Enfin, d’autres détecteurs travaillent en division de fréquence. Ils ne retiennent qu’une partie des sinusoïdes, divisant en temps réel la fréquence émise par la chauves-souris pour la rendre audible. Une analyse sur ordinateur est également indispensable avec ce genre d’appareil mais ne permet pas une identification aussi précise ou fiable qu’un enregistrement en expansion de temps.
Fréquence constante ou modulée ?
Voyons maintenant à quoi ressemblent les ultrasons émis par les chauves-souris de nos régions. On distingue deux modes d'émission d'ultrasons. Tout d'abord des signaux en fréquence continue (FC). Prenons l'exemple de la Noctule commune : elle émet un signal d'une durée d'environ 20 millisecondes, à une fréquence de 20 kHz et répète ce signal quelques fois par seconde. Ce type d'ultrason est utilisé principalement par les chauves-souris qui chassent en milieu ouvert. Il est généralement assez puissant, afin de repérer l'insecte au loin; grâce à l'effet Doppler, il permet de connaître la vitesse de vol de la proie et ainsi de prédire le point de contact. Le détecteur d'ultrasons, en mode hétérodyne, restitue ce type de signal sous la tonalité d'un son « humide » (bruit d'une goutte d'eau qui tombe dans l'eau).
L'autre type de signal, appelé fréquence modulée (FM) : l'animal émet un signal de très courte durée (quelques millisecondes) dont la fréquence est élevée mais décroît très rapidement. Le taux de répétition du signal par seconde est élevé. Ce type de signal est utilisé principalement par les chauves-souris qui chassent dans un environnement encombré. En effet, dans ces conditions, la chauve-souris a besoin d'informations précises et sans cesse actualisées sur les obstacles qui s'offrent à elle. Ce type de signal sera transformé par le détecteur en mode hétérodyne en un son de tonalité « sèche ».
En réalité, la majorité des espèces de chauves-souris combinent ces deux types de signaux. Ainsi, le signal de la Pipistrelle commence par une FM et se poursuit par une FC ; si elle chasse en milieu ouvert, la composante FC sera hypertrophiée aux dépends de la composante FM et, à l'inverse, lorsqu'elle chasse dans un environnement encombré, ce sera la composante FM qui sera particulièrement développée. Les signaux d'une même espèce de chauve-souris peuvent fortement varier en fonction de l'environnement, ce qui rend l'utilisation du détecteur d'ultrasons assez complexe.
Acheter une bonne paire de jumelles et un guide ornithologique ne suffit pas pour connaître les oiseaux ; il en est exactement de même pour les chauves-souris : ce n'est qu'après des heures de terrain que l'on arrive à identifier quelques espèces en vol, mais une fois que l'on a commencé cela devient passionnant.
Quel modèle choisir ?
Tout comme pour les jumelles ou les appareils photos, il existe dans les détecteurs d’ultrasons une gamme très large et toutes sortes de modèles dont les prix varient de 75 € à 5000 €. La qualité et les possibilités de ces détecteurs sont variables généralement avec le prix.
Si vous souhaitez acheter un détecteur d’ultrasons, il est important de réfléchir à ce que vous avez besoin. En effet, tout dépend :
- du mode de fonctionnement que vous voulez utiliser : hétérodyne (c'est le mode le plus courant et le moins cher, utilisé entre autres lors des soirées de sensibilisation), expansion de temps ou division de fréquence. Certains détecteurs combinent plusieurs modes d’analyse de son, mais pas tous.
- de la nécessité d’enregistrer les sons pour les passer sur ordinateur et le cas échéant de la qualité du micro dont vous avez besoin
- de l’usage que vous en avez : didactique, études, détermination, pour le plaisir (car la qualité requise en dépend)
- du prix que vous voulez/pouvez mettre.
Si vous cherchez un détecteur simplement pour le plaisir de les entendre ou pour des activités de sensibilisation de type Nuit Européenne des Chauves-Souris ou soirées d’observations chez vous (ou encore pour écouter des orthoptères), nous vous conseillons de vous orienter vers des petits détecteurs hétérodyne du type Batbox IIID ou Pettersson D100, qui coûtent aux alentours de 200 à 300 €. Ces petits modèles sont d’une qualité suffisante pour entendre les chauves-souris de manière correcte. Il existe des détecteurs moins chers, mais la qualité des micros et le rendu du son sont en général assez critiquables.
Si vous souhaitez utiliser le mode division de fréquence, qui a pour principal avantage de pouvoir faire des enregistrements en continu, un bon modèle est le Batbox Duet, qui combine l’hétérodyne et la division de fréquence. En hétérodyne, l’affichage digital (avec rétroéclairage) a l’avantage d’être plus facile à lire et plus précis que les modèles précédemment décrits, qui fonctionnent avec un gros bouton rotatif. Pour utiliser la division de fréquence, il faut bien entendu relier le détecteur à un enregistreur (numérique, minidisque ou autre) ou un ordinateur, afin de pouvoir analyser informatiquement les sonogrammes par la suite.
Pour l’expansion de temps, le modèle le plus couramment utilisé est le Pettersson D240X. Ce très bon détecteur, qui fait l’unanimité des spécialistes, combine les modes hétérodyne et expansion de temps. Il faut compter au moins 1200 à 1500 € pour un tel détecteur. Plusieurs micros de très bonne qualité, un détecteur facile à utiliser, compact, un enregistrement possible si on le couple à un enregistreur ou un ordinateur… sont les principaux avantages de ce modèle.
Il y a bien entendu encore toute une série d’autres détecteurs, autres modèles, autres marques, intéressant pour certaines utilisations particulières, avec chacun ses avantages et ses inconvénients. N’hésitez pas à demander conseil auprès des producteurs ou de Plecotus.